Le monument de la Légion Etrangère
Henry FARNSWORTH, Souain

                   
 

Monument Henry FARNSWORTH. Photo collection privée. Droits réservés.


Le Monument de la Légion Etrangère Henry FARNSWORTH, est situé à l'écart du village de Souain-Perthes-les Hurlus, dans le département de la Marne.

"Le Monument Américain" comme l'appele les habitants de Souain, est un cimetière ossuaire où repose parmi 130 corps, des légionnaires des 1° et 2° Régiment Etrangers, tombés lors de l'offensive française en Champagne, en Septembre 1915. Ce Monument Ossuaire a était érigé en 1920 par M° William FARNSWORTH, père d'Henry FARNSWORTH, jeune universitaire américain agé de 24 ans, engagé à la Légion Etrangère le 5 janvier 1915, au Premier Etranger. Henry FARNSWORTH est tué le 28 septembre 1915 au sein du 2 Régiment de Marche du Premier Etranger. Le Monument fut construit à l'été 1920,en dépit de nombreuses difficultés.Les combats avaient transformé la Champagne en un désert: les tranchées,barbelés,obus enterrés,représentaient un danger; Il n'y avait pas de maisons,de chemin de fer,de moyen de transport. Le point de ravitaillement le plus proche était Chalons,situé à 35 kilomètres,en partie en ruine,suite aux bombardements aériens. L'eau était amenée par tonneaux depuis Souain. La pierre du monument provient de la carrière de Souppes (Seine et Marne),près de Chateau Landon,c'est celle avec laquelle fut construit l'Arc de Triomphe à Paris. De Souppes,la pierre était transportée par le canal,jusqu'à Chalons,une distance de 150 kilomètres,puis en camion sur 35 kilomètres,jusqu'à Souain. Les plaques de marbre noires sur lesquelles figurent les noms des morts,sont découpées à Mazy,près de Namur en Belgique. A l'exception de la gravure des inscriptions,le travail fut achevé en moins de six mois,de mai à novembre 1920.Ce résultat est le fruit des efforts de l'ensemble des personnes concernées:
-L'état civil,sous la direction du Lieutenant Picard,qui fut d'une grande assistance.
-M°Despagnat,entrepreneur de travaux public.
-Les ouvriers,ne prennant pas de vacances et travaillant même le dimanche!

Le 3 novembre 1920, en présence de M° et Mme Farnsworth, du Maire et des habitants de Souain, et de beaucoup d'autres, le Cimetière est consacré par Monseigneur Tissier, Évèque de Chalons. Le Général Duport,commandant le Sixième Corps d'Armée, M° Carteron, représentant le Gouvernement Français, et M° Milhaud, responsable du "service des oeuvres Françaises à l'étranger" firent un discours. M° Charles Prince le faisant pour M° et Mme Farnsworth.

Les dimensions du monument sont de 17 mètres sur 22.
L'entrée s'éffectue par le côté nord.
A l'extérieur, une cloture de sapins, de pins, sont plantés, entourés d'une épaisse haie. Le sol de Champagne est si pauvre, qu'il fut nécessaire d'amener de la terre fertile du département de Seine et Marne. Un puit fut creusé afin d'obtenir de l'eau. M° Alexandre Marcel en fut l'architecte réputé : celui-ci était architecte de la Couronne de Belgique et des Maharadjahs Hindoux. Il réalisa notamment :
-la Tour Japonaise et le Pavillon Chinois, deux réalisations architecturales situées à Bruxelles.
-Les pavillons du Cambodge, d'Espagne, et de la Compagnie des Messageries Maritimes lors de l'Exposition Universelle de Paris en 1900.
-L'Ambassade de France au Japon (Tokyo).
-Le Parc Oriental de Maulévrier.

Les textes inscrits en anglais, sont du Président de l'université d'Harvard, M° Charles W.Eliot, et les traductions françaises, de Messieurs J.J.Jusserand et Émile Boutroux. Il est gravé sur les murs du Monument, la liste des légionnaires reposant dans l'ossuaire, ainsi que les deux mentions suivantes :

Première inscription:

A la Mémoire de Henry Weston FARNSWORTH
Né le 7 Aout 1890 à DEDHAM Massachussets Etats-Unis
Tué à l'Ennemi Non Loin De Ce Lieu Le 28 Septembre 1915
Dix Huit Mois Avant l'Entrée En Guerre Des Etats-Unis
Contre La Folie Allemande

Il Souffrit Combattit et Mourut
Non Pour Ses Foyers Menacés Pour Ses Amis
Et Sa Terre Natale
Mais Pour La Cause Universelle De La Liberté
Du Droit Et De La Bienveillance Parmi Les Hommes

Deuxième inscription:

Que ceux qui visiteront ce lieu consacré se souviennent
Que les hommes dont les noms survivent sur cette pierre
Sont morts en pleine jeunesse ou dans la fleur de l'age
Afin que les générations futures
puissent hériter d'un monde plus heureux
d'une société humaine plus juste et plus généreuse
que celle ou vécurent ces braves et leur génération.

Sur le mur faisant face au seuil de l'entrée du monument est sculptée une grande croix et, gravé de part et d'autre de celle-ci, on peut lire:

Près de ce lieu en septembre 1915
Un grand nombre de membres
De la Légion Etrangère Française
Hommes de croyances et de races diverses
Qui s'étaient engagés en vue de combattre
Pour la France Républicaine
Pour le règne de la Liberté dans le monde
Et l'amélioration de la destinée humaine
Ont péri dans des luttes acharnées
Contre l'envahisseur germanique.

Leurs précieux restes
Ainsi que ceux d'autres soldats de France
Retirés de leurs tombes provisoires
Reposent dans cette enceinte sacrée
Édifiée par les parents d'un jeune américain
Qui s'enrola dans la Légion
Le 5 janvier 1915
Et confiée par eux pour toujours
Aux soins du Maire et des habitants de Souain.

Ces hommes renoncèrent
A leur part de joies et d'espoirs humains
Puisse leur suprème sacrifice
Inspirer aux hommes d'autres pays et d'autres temps
Un dévouement sans réserve
Aux libertés publiques,à l'ordre et à la paix.

En septembre 1965, fut organisée à Reims et Souain, une imposante manifestation commémorative du Cinquantenaire des Combats de Champagne, présidée par le Ministre de la Défense de l'époque, Pierre Messmer et du Général (futur Maréchal) Koenig. On notera la présence des Généraux Flipo, Gaultier, Miquel, De Cockborne.

A cette occasion, Madame Loomis, soeur du Légionnaire Henry Farnsworth, était venue des Etats-Unis pour inaugurer la rue portant le nom de son frère.

HENRY FARNSWORTH, un amoureux des livres.

Né à Dedham dans le Massachussetts, Henry FARNSWORTH est diplomé des universités de Groton et de Harvard, en 1912.
Ses intérets se portaint sur les livres, la musique et les arts. Ses préférences allaient vers Burton, Dostoievski, Tolstoi, Gogol, Isben et Balzac, bien que ses études littéraires aient couvert une variété d'auteurs bien plus grande, parmi les classiques anglais ainsi que les auteurs continentaux modernes. A la fin de ses études, il passa l'été en Europe, visitant Vienne, Budapest, Constantinople, Odessa, Moscou et Saint Petersbourg, se délectant des associations historiques, des collections d'art, et des musiques de ces villes, et se liant des amitiés içi et là, comme a son habitude, et étudiant les populations. Sa curiosité était insatiable, particulièrement en ce qui concerne les populations orientales et russes.
Lorsque le guerre éclata en Europe, farnsworth se trouvait à Mexico, où il s'était rendu quand le gouvernement des Etats-Unis avait envoyé des troupes à Santa Cruz. Entre temps, il avait acquis de l'expérience en tant que correspondant et reporter pour le journal "Providence" et il avait publié un livre, "Le journal de bord d'un prétendu correspondant de guerre", dans lequel il décrit ses expériences et observations lors de la guerre des Balkans, en automne 1912, qui l'a fasciné. De retour chez lui, il repartit pour l'Angleterre en octobre 1914, sans intention de s'engager dans la guerre, mais avec le désir de devenir un observateur, espérant pouvoir écrire quelque chose sur le Grand Conflit qui en vaille la peine. A Paris et Londres, l'air était plein de projets militaires, et il fut tenté par plusieurs choix. Finalement, après une période d'hésitation et d'incertitude, il intégra la Légion Etrangère au début du mois de janvier.
Nous pouvons suivre ses aventures durant les neufs mois qui suivent grace aux "Letters of Henry Weston Farnsworth from the Foreign Legion" lettres envoyées aux membres de sa famille, qui furent ensuite publiées par son père, William Farnsworth. Il ne se faisait aucune illusion sur les Allemands : "Fous de jalousie"; il écrit : "c'est ce qui me choque. Ils ne supportent pas l'expression "English Channel"(La Manche)".
Et son admiration envers les "Gaulois" était profonde:"Rien", dit-il, "n'est trop fort pour exprimer le courage discret du peuple Français".

Farnsworth, qui, comme nous l'avons vu, avait un gout prononcé pour les personnages hors du commun, a trouvé en ces compagnons de la Légion, des cas très intéressants. Le 9 janvier 1915, il écrit :

"Au premier abord, il n'y a rien de rude. Beaucoup de ces hommes sont instruits, et ceux qui le sont moins sont des travailleurs forcenés. Dans mon dortoir, par exemple, il y a "Le Petit Père" Ulhin, un viel alsacien, qui a déjà servi 14 ans à la Légion, en Chine et au Maroc. Le Caporal Lebrun, un socialiste bien connu chez lui; Engler, un négociant en coton suisse du Havre. Donald Campbell, journaliste et écrivain d'histoires courtes, qui ne servira pas l'armée anglaise parce que sa famille quitta l'Angleterre en 1745, à l'exception de son père, qui fut Capitaine aux Royal Irish Fusileers (Fusiliers Irlandais);
Sukuna, étudiant fidjien à Oxford, noir comme l'encre. C'est l'une des personnalités les plus intéressantes de la Légion Etrangère: S.L.V. Sukuna est un Prince des îles Fidjis. Son père est le roi d'une des grandes îles et son grand père maternel, le Roi Thakombau, fut le dernier souverain des îles, qu'il céda en 1874 à la Couronne Britanique;
Hath, un Danois, de plus d'1m80, que Campbell appelle à juste titre "La Bête Blonde" en référence au "Zarathoustra" de Nietzsche;
Von quelque chose, un autre Danois, très petit et jeune;
Bastados, un charpentier suisse, né et élevé dans les Alpes, qui chante (après avoir bu le vin de la cantine) bien mieux que toutes les stars d'Opéra comique, et qui fait de temps en temps la "ranz des vaches", ce qui arrive même à faire applaudir le Père Ulhin; le brigadier Mussorgsky, cousin descendant du compositeur;
un petit russe;
deux ou trois juifs Polonais, sans parler des Belges, Grecs, Roumains, etc. . . J'ai déjà ce qu'il faut pour en écrire un article (10000 mots), et d'içi la fin de la campagne, je pourrai en écrire un livre vraiment intéressant.

Plus il s'imprégnait de cette nouvelle vie, plus Farnsworth la trouvait pittoresque et fascinante. Il aimait les hommes et l'état d'esprit qui régnait dans la Légion :

"Je suis désormais tout à fait chez moi, et bien ami avec tout le monde dans la Compagnie, même avec un Belge que l'on m'avait forcé à laver entièrement. Les deux chants militaires "Car nous sommes tous des frères" et le vieux, le meilleur chant militaire du monde :

Soldat de la Légion
La Légion Etrangère
N'ayant pas de patrie
La France est notre mère

sont au fond très réalistes, du moins à la 15e Compagnie".

Avec le temps, le régiment de Farnsworth fut envoyé au front dans le Nord de la France, et début mars il écrivait des tranchées. Le secteur était calme, et il se passait peu d'évènements importants, à part un bombardement de temps en temps, ou quelque fusillades. Il était souvent en patrouille de nuit, dans le "no man's land":

"Il y a une certaine fascination là-dedans, aussi ennuyeux que celà puisse paraitre. La patrouille est sélectionnée dans l'après-midi. Au crépuscule nous nous réunissons afin d'élaborer un plan et de donner à chaque hommes ses consignes; puis, à la nuit, nos poches sont remplies de cartouches, baionnette à la ceinture, et nos chargeurs à bloc. Nous suivons le boyau jusqu'au petit poste, d'où nous décidons de partir. Le long de notre chemin, les sentinelles nous souhaitent bonne chance, et un retour sauf. Au petit poste, nous fixons nos baionnettes, mouchons nos nez, dégageons nos gorges, et nous préparons pour trois heures de silence profond. Sur une parole du chef, nous formons une ligne en ordre déterminé. Les sentinelles nous souhaitent bonne chance pour la dernière fois, et le chef saute sur le bord de la tranchée et commence à se frayer un chemin au travers des barbelés. Une fois dehors, il disparait dans les hautes herbes et l'un après l'autre, nous le suivons. Puis nous rampons jusqu'au lieu prévu. Nous avançons lentement et faisons halte souvent. Chaque bruit est analysé. A l'occasion d'une soit-disant embuscade, je reconnais m'être endormi après avoir passé un moment allongé dans un champs de trèfles. L'adjudant en personne me réveilla d'un léger sifflement, mais comme il me désigna encore la nuit suivante, il ne me semble pas qu'il ait trouvé la chose si grave. Puis , aussi, une fois rentrés au camp, nous ne devons pas monter la garde toute la nuit, et pouvons dormir un peu le matin, et nous tenons de brèves mais agréables conversations sur l'affaire, et l'espoir qu'une nuit, nous nous retrouvions face aux Allemands. "

Lors de l'une de ces expéditions de nuit, Farnsworth et ses compagnons réussirent à coller des journaux français annonçant la déclaration de guerre italienne sur les barbelés face aux tranchées allemandes. Satisfait de leur entreprise, leur capitaine donna à sept d'entre eux vingt françs pour faire la fête. "Quel diner inoubliable!" lança le jeune légionnaire.

"Il y avait le sergent, Zampanedes, un Grec typique, qui avait gagné ses éperons à Zanina et ses galons lors de la campagne Bulgare. Depuis, il avait été étudiant en médecine à Paris;celà pour faire plaisir à sa famille, car son coeur est ailleurs, et il étudie la musique et dessine dans ses temps de loisirs. . . Nous nous sommes trouvés des sympathies pour la première fois au sujet de l'Acropolis, et avons lié une réelle amitié lors de chants de guerre turcs et byzantins, qu'il chante d'une façon funèbre et romantique comme jamais je ne l'ai entendu. Puis, il y avait Nicolet, le clairon de la compagnie, qui engageait dans sa douzième année de Légion, un petit homme suisse incroyable, plus résistant que les tambours avant et arrière, et aussi sage que Nestor pour ce qui est des ruses futiles du Régiment. Le Caporal Mortens, un légionnaire blessé durant l'hiver et cité à l'Ordre de l'Armée pour sa bravoure. Il était, dans son duché natif de Luxembourg, représentant commercial, mais décida il y a 5 ans d'abandonner derrière lui ses dettes et ennuis, et de devenir un "Petit Zephir" de la Légion Etrangère. Sudic, un boucher originaire du même Grand Duché, un homme d'acier moralement et physiquement, mais de peu d'importance mentallement. Covaliero, un Grec de Smyrne, qui aurait pu étendre soies et dentelles aux pieds d'une princesse féodale et la séduire de ses yeux brillants et grands gestes, la forçant ainsi à acheter au delà de ses moyens. On l'a aussi dénoncé pour sa galanterie imprudente. Sukuna et moi-même réalisames le menu. Nous étions tous d'une humeur gaie, et, comme j'en avais les moyens, j'y ajoutais 10 francs, Sukuna fit de même. Certains d'entre nous burent à plus soif, et nous mangeames une salade géante sous les étoiles. Nicolet et Mortens parlèrent de leur bataillon au Sahara, et Zampanedes chanta ses chansons de l'est, et même Sukuna nous émut par ses chants des Tonga. Tel Enée sur l'île de Polyphème, j'ai l'impression que d'içi quelques années, en désaccord total avec mon entourage, je repenserai avec nostalgie à ces longues journées chaudes d'été passées dans le nord de la France, lorsque nous dormions comme des oiseaux à la belle étoile, parmi des amis sympathiques, lorsque personne ne se souciait du lendemain, et qu'à chaque conversation nous changions d'horizon"

La lettre dont on vient de lire un extrait fut écrite par Farnsworth à sa mère le 4 juin 1915. Un mois plus tard, il reçut de chez lui la nouvelle que l'un de ses amis devait se rendre à un camp d'entrainement aux Etats-Unis, où il devait marcher 5 à 6 miles par jour, ce qui l'incita à donner cette image forte d'un épisode de la vie des légionnaires:

"L'autre jour on nous réveilla à deux heures du matin, et on nous envoya à trois heures sous la pluie battante vers un endroit mal défini de l'autre coté des montagnes, pour une revue de notre division. Nous partimes lentement dans l'obscurité humide, à l'aube, le soleil se leva, et, comme d'ordinaire dans la Légion, tout le monde s'en réconforta, et à sept heures nous arrivames au terrain de la revue après avoir parcouru 15 kilomètres dans la bonne humeur. Deux régiments de Zouaves venus d'Afrique était rangés. Nous nous plaçames en formation à leurs cotés, puis arrivèrent les régiments de Tirailleurs, avec leurs couleurs, puis le Deuxième Etranger, fort de 2000 hommes, et enfin un escadron de Chasseurs d'Afrique. Nous déposament nos armes et nous couchames dans l'herbe jusqu'à 8h30. Soudain les clairons des Zouaves sonnèrent le "Garde à Vous" dans un grand fracas et en deux minutes la division fut alignée, chaque homme aussi raide qu'un piquet, et pendant tout ce temps, les clairons sonnant avec force du haut de la ligne, et les petites trompettes stacatto des chasseurs répondant de l'autre extrémité. La sonnerie s'arrêta soudain, et les voix des colonels hurlant "baionnettes aux canons" parurent faibles et noyés dans le bruit des baionnettes;Un moment de silence profond, puis le bruit lent et court du "Général!Général! Qui Passe!" interrompu par le claquement occasionnel, lorsque chaque régiment à leur tour présentait les armes. Lentement le Général passa en revue les lignes, à cheval, deux Généraux de Brigade et un de Division à sa suite. Puis ce fut le défilé. Les Zouaves prirent la tête, leurs clairons jouant "As-tu vu la casquette, la casquette";Puis suivirent les Tirailleurs, jouant l'une de leurs marches militaires, lentement, les clairons donnant la réplique aux pipeaux arabes comme s'ils avaient été menés par Loeffler. Puis la Légion, le Deuxième Etranger venant renforcer nos rangs, et tous les clairons lançant la marche militaire de la Légion "Tiens, voilà du boudin, etc. . . ". Les clairons jouèrent encore et encore cet air léger et argotique, dont certains vers feraient frissoner Rabelais, et dont certaines petites variations rappellent l'image de la Légion, marchant en rang serrés dans des contrées étrangères en feu, et où les tambours rappellent les pas du régiment traversant des déserts de sable. C'était un spectacle très glorieux, et pour finir, les Chasseurs se mirent au galop, rejoignant leurs quartiers. Pour cloturer la journée, le Colonel nous reconduisit directement chez nous, par dessus la montagne, 14 kilomètres de pistes à chamois. (p. s:ce qui fait à peu près 18 miles aller-retour) Lorsque nous fimes de retour à 15h30, n'ayant rien mangé d'autre q'un petit morceau de pain, trois sardines et un peu de fromage, peu d'hommes étaient vraiment épuisés. C'est à ce moment là que j'ai reçu ta lettre au sujet des camps d'entrainement. "

(cette description correspond très certainement au passage en revue effectué par Lyautey, le 28 juillet 1915)
Au mois d'aout, le Régiment d'Henry Farnsworth se trouve en Alsace et dans les Vosges. Des excursions régimentaires se déroulent au Ballon d'Alsace (le 18 aout) et au Ballon de Servance (le 19 aout).
Au sommet, ont lieu des prises d'armes et remises de décorations. En septembre, Henry Farnsworth va prendre part à la sanglante bataille de Champagne.
Sa dernière lettre sera datée du 16 septembre 1915.
Henry Farnsworth est tué lors de l'attaque lancée par son bataillon le mardi 28 septembre 1915. Dans l'après-midi partant à l'assaut des blockhaus allemands du Bois Sabot, il est atteint à la gorge et à la colonne vertébrale par balles de mitrailleuses.
Son camarade fidjien Sukuna tire son corps dans une petite tranchée et ne peut constater que le décés de son ami. Il jure de le venger, et s'avance vers les positions ennemies. Il s'écroule, blessé, la cuisse déchiquetée.
D'autres légionnaires tombent à leurs tours: Samuel Gache de Buenos Aires, diplomé de l'université d'Edimbourg, engagé le 1 juillet 1915 à la légion, arrivé au front juste avant l'attaque.
Raphael de Carvalho, fils du fameux écrivain portugais, tué sur les barbelés du Bois Sabot. Ce 28 septembre marquera à jamais, Blaise Cendrars,l'auteur de "la Main Coupée". Au nord des ruines de la Ferme de Navarin, il sera blessé, puis évacué par l'infirmerie de la "Place de l'Opéra", où s'élève actuellement le Cimetière de l'Opéra.

Un décret du 1 octobre 1918 accordera à titre posthume, la Médaille Militaire à Henry Farnsworth.

A l'université d'Harvard, une grande bibliothèque meublée, porte le nom d'Henry Farnsworth. Elle fut réalisée par Mr et Mme Farnsworth, en mémoire de leur fils. Elle est mise à disposition des étudiants, et contient des ouvrages sur la littérature et la poésie comme ceux qu'aimait lire Henry Farnsworth.
En 1931, dans le cadre du Centenaire de la Légion Etrangère fut imprimé le Livre d'Or de la Légion Etrangère.
La première souscription pour un exemplaire imprimé sur papier japon arriva des Etats-Unis: elle était adressée par Mme Loomis, soeur du légionnaire Farnsworth.


Monument élevé aux volontaires américains tombés au champ d'honneur. Place des Etats-Unis.Paris. Le nom d'Henry Farnsworth est gravé sur ce monument.
(Photographie collection privée. Droits réservés)



LES CIMETIÈRES MILITAIRES DE SOUAIN-PERTHES LES HURLUS

La commune de Souain-Perthes Les Hurlus regroupent cinq autres cimetières
militaires:


-L'ossuaire Français de la Ferme de Navarin. (Monument aux Morts des Armées de Champagne, dédié aux Divisions Françaises, Américaines, Régiment Polonais, Brigades Russes, Brigade Tchécoslovaque qui participèrent aux opérations sur le front de Champagne. Dans la crypte, repose le Général Gouraud ainsi que le Général Prételat)

-Le cimetière Français de l'Opéra.

-Le cimetière Français de la Ferme des Wacques. (Monument aux Morts de la 28ième Brigade érigé par l'aumonier Paul Doncoeur)

-Le cimetière Français de la Crouée.

-Le cimetière Allemand. (situé au bout du cimetière de la Crouée;Il y repose le corps du célèbre peintre allemand August Macke)

La commune de Souain est située en bordure du camp militaire de Suippes qui est implanté sur les ruines de cinq villages entièrement détruits durant la Grande Guerre: Le Mesnil les Hurlus, Perthes les Hurlus, Ripont, Hurlus, Tahure.

Afin de perpétuer le souvenir de ces villages disparus, les noms des communes de Perthes et des Hurlus, sont rattachés à celui de Souain, le 16 Juin 1950.

SEPTEMBRE 1915: Combats de la Butte de Souain et de la Ferme de Navarin.

La bataille de Champagne va réclamer le concours de la Division Marocaine et le 15 septembre, sa 1ère Brigade se trouve sous les ordres du Général Marchand, le héros de Fachoda, qui commande la 10ème Division Coloniale.

La 1ère Brigade de la Division Marocaine regroupe notamment:

- Le 2ème Régiment de Marche du 1RE (formé le 1 septembre 1914, fait partie de la Brigade du Colonel Delavau, rejoignant la célèbre Division Marocaine, le 21 septembre 1914. Celle çi est commandée en septembre 1915 par le Général
Codet.)
Le Lieutenant-Colonel Cot sera le Chef de Corps du Régiment du 5 mars 1915 au 11 novembre 1915.
- Le 2ème Régiment de Marche du 2RE.
- Le Régiment de Marche du 4ème Tirailleurs Algériens.

Le 22 septembre 1915 débute un pilonnage intense sur les lignes allemandes: il va durer trois jours.
L'attaque de l'infanterie se déclenche le samedi 25 septembre sous une pluie diluvienne.
Du 24 au 28 septembre, il pleut sans discontinuer, empéchant le travail de l'aviation et rendant la progression très pénible dans la craie champenoise. Les Français progressent sans trop de difficultés dans les premières lignes ennemies, avançant de 3 à 4 Kms. Mais les Allemands ont aménagé à contre pente,une seconde position de défense, la Reserve Stellung,constituée de réseaux de barbelés, mitrailleuses, redoutes, etc...
Malheuresement, la préparation d'artillerie française n'a pas endommagé la Reserve Stellung.
Le 2ème de Marche du 1er Régiment Etranger ne prend part à la lutte qu'à partir du 28 septembre.
La Ferme de Navarin, objectif qui lui a été fixé, parait imprenable: les réseaux de barbelés sont intacts, les nids de mitrailleuses ne sont pas détruits.
Plusieurs fois, dans ses attaques désespérées, les bataillons se ruent à l'assaut:malgré des pertes très élevées, la Légion ne faiblit pas et ne recule pas.
Les Commandants Declève et Burel tombent devant les tranchées allemandes.

Deux divisions du Corps d'Armée voisin, ont réussie à percer la ligne ennemie à l'ouest de la Ferme de Navarin, encerclant ainsi les positions allemandes et faisant tomber la Butte de Souain. Au cours de cette offensive, les II° et IV° Armées ont fait 25.000 prisonniers dont 350 officiers, et pris près de 150 canons.

Suite aux combats des sanglantes journées de la Bataille de Champagne, le 2° Régiment de Marche du 1° Etranger est dissous.
Il entrera le 11 novembre 1915 dans la composition du Régiment de Marche de la Légion Etrangère (RMLE) avec le 2° Régiment de Marche du 2° Etranger. La IV° Armée lui décerne une citation pour son héroisme, le 30 janvier 1916, pour l'assaut de la Ferme de Navarin. Le drapeau du 2° Régiment de Marche du 1° Etranger deviendra l'emblème du Régiment de Marche de la Légion Etrangère.

Réaliser avec la collaboration de M° Martin Jean et de son épouse Annie. Remerciement à l'Adjudant Emilio Condado Madera, conservateur du Musée de la Légion Etrangère, Aubagne.

 

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