Le Monument de la Légion Etrangère
Henry FARNSWORTH, est situé à l'écart du village
de Souain-Perthes-les Hurlus, dans le département de la Marne.
"Le Monument Américain"
comme l'appele les habitants de Souain, est un cimetière ossuaire
où repose parmi 130 corps, des légionnaires des 1°
et 2° Régiment Etrangers, tombés lors de l'offensive
française en Champagne, en Septembre 1915. Ce Monument Ossuaire
a était érigé en 1920 par M° William FARNSWORTH,
père d'Henry FARNSWORTH, jeune universitaire américain
agé de 24 ans, engagé à la Légion Etrangère
le 5 janvier 1915, au Premier Etranger. Henry FARNSWORTH est tué
le 28 septembre 1915 au sein du 2 Régiment de Marche du Premier
Etranger. Le Monument fut construit à l'été 1920,en
dépit de nombreuses difficultés.Les combats avaient transformé
la Champagne en un désert: les tranchées,barbelés,obus
enterrés,représentaient un danger; Il n'y avait pas de
maisons,de chemin de fer,de moyen de transport. Le point de ravitaillement
le plus proche était Chalons,situé à 35 kilomètres,en
partie en ruine,suite aux bombardements aériens. L'eau était
amenée par tonneaux depuis Souain. La pierre du monument provient
de la carrière de Souppes (Seine et Marne),près de Chateau
Landon,c'est celle avec laquelle fut construit l'Arc de Triomphe à
Paris. De Souppes,la pierre était transportée par le canal,jusqu'à
Chalons,une distance de 150 kilomètres,puis en camion sur 35
kilomètres,jusqu'à Souain. Les plaques de marbre noires
sur lesquelles figurent les noms des morts,sont découpées
à Mazy,près de Namur en Belgique. A l'exception de la
gravure des inscriptions,le travail fut achevé en moins de six
mois,de mai à novembre 1920.Ce résultat est le fruit des
efforts de l'ensemble des personnes concernées:
-L'état civil,sous la direction du Lieutenant Picard,qui fut
d'une grande assistance.
-M°Despagnat,entrepreneur de travaux public.
-Les ouvriers,ne prennant pas de vacances et travaillant même
le dimanche!
Le 3 novembre 1920, en présence de
M° et Mme Farnsworth, du Maire et des habitants de Souain, et de
beaucoup d'autres, le Cimetière est consacré par Monseigneur
Tissier, Évèque de Chalons. Le Général Duport,commandant
le Sixième Corps d'Armée, M° Carteron, représentant
le Gouvernement Français, et M° Milhaud, responsable du "service
des oeuvres Françaises à l'étranger" firent
un discours. M° Charles Prince le faisant pour M° et Mme Farnsworth.
Les dimensions du monument sont de 17 mètres
sur 22.
L'entrée s'éffectue par le côté nord.
A l'extérieur, une cloture de sapins, de pins, sont plantés,
entourés d'une épaisse haie. Le sol de Champagne est si
pauvre, qu'il fut nécessaire d'amener de la terre fertile du
département de Seine et Marne. Un puit fut creusé afin
d'obtenir de l'eau. M° Alexandre Marcel en fut l'architecte réputé
: celui-ci était architecte de la Couronne de Belgique et des
Maharadjahs Hindoux. Il réalisa notamment :
-la Tour Japonaise et le Pavillon Chinois, deux réalisations
architecturales situées à Bruxelles.
-Les pavillons du Cambodge, d'Espagne, et de la Compagnie des Messageries
Maritimes lors de l'Exposition Universelle de Paris en 1900.
-L'Ambassade de France au Japon (Tokyo).
-Le Parc Oriental de Maulévrier.
Les textes inscrits en anglais, sont du
Président de l'université d'Harvard, M° Charles W.Eliot,
et les traductions françaises, de Messieurs J.J.Jusserand et
Émile Boutroux. Il est gravé sur les murs du Monument,
la liste des légionnaires reposant dans l'ossuaire, ainsi que
les deux mentions suivantes :
Première inscription:
A la Mémoire de Henry Weston FARNSWORTH
Né le 7 Aout 1890 à DEDHAM Massachussets Etats-Unis
Tué à l'Ennemi Non Loin De Ce Lieu Le 28 Septembre 1915
Dix Huit Mois Avant l'Entrée En Guerre Des Etats-Unis
Contre La Folie Allemande
Il Souffrit Combattit et Mourut
Non Pour Ses Foyers Menacés Pour Ses Amis
Et Sa Terre Natale
Mais Pour La Cause Universelle De La Liberté
Du Droit Et De La Bienveillance Parmi Les Hommes
Deuxième inscription:
Que ceux qui visiteront ce lieu consacré
se souviennent
Que les hommes dont les noms survivent sur cette pierre
Sont morts en pleine jeunesse ou dans la fleur de l'age
Afin que les générations futures
puissent hériter d'un monde plus heureux
d'une société humaine plus juste et plus généreuse
que celle ou vécurent ces braves et leur génération.
Sur le mur faisant face au seuil de l'entrée
du monument est sculptée une grande croix et, gravé de
part et d'autre de celle-ci, on peut lire:
Près de ce lieu en septembre 1915
Un grand nombre de membres
De la Légion Etrangère Française
Hommes de croyances et de races diverses
Qui s'étaient engagés en vue de combattre
Pour la France Républicaine
Pour le règne de la Liberté dans le monde
Et l'amélioration de la destinée humaine
Ont péri dans des luttes acharnées
Contre l'envahisseur germanique.
Leurs précieux restes
Ainsi que ceux d'autres soldats de France
Retirés de leurs tombes provisoires
Reposent dans cette enceinte sacrée
Édifiée par les parents d'un jeune américain
Qui s'enrola dans la Légion
Le 5 janvier 1915
Et confiée par eux pour toujours
Aux soins du Maire et des habitants de Souain.
Ces hommes renoncèrent
A leur part de joies et d'espoirs humains
Puisse leur suprème sacrifice
Inspirer aux hommes d'autres pays et d'autres temps
Un dévouement sans réserve
Aux libertés publiques,à l'ordre et à la paix.
En septembre 1965, fut organisée
à Reims et Souain, une imposante manifestation commémorative
du Cinquantenaire des Combats de Champagne, présidée par
le Ministre de la Défense de l'époque, Pierre Messmer
et du Général (futur Maréchal) Koenig. On notera
la présence des Généraux Flipo, Gaultier, Miquel,
De Cockborne.
A cette occasion, Madame Loomis, soeur du
Légionnaire Henry Farnsworth, était venue des Etats-Unis
pour inaugurer la rue portant le nom de son frère.
HENRY FARNSWORTH, un amoureux des livres.
Né à Dedham dans le Massachussetts, Henry FARNSWORTH est
diplomé des universités de Groton et de Harvard, en 1912.
Ses intérets se portaint sur les livres, la musique et les arts.
Ses préférences allaient vers Burton, Dostoievski, Tolstoi,
Gogol, Isben et Balzac, bien que ses études littéraires
aient couvert une variété d'auteurs bien plus grande,
parmi les classiques anglais ainsi que les auteurs continentaux modernes.
A la fin de ses études, il passa l'été en Europe,
visitant Vienne, Budapest, Constantinople, Odessa, Moscou et Saint Petersbourg,
se délectant des associations historiques, des collections d'art,
et des musiques de ces villes, et se liant des amitiés içi
et là, comme a son habitude, et étudiant les populations.
Sa curiosité était insatiable, particulièrement
en ce qui concerne les populations orientales et russes.
Lorsque le guerre éclata en Europe, farnsworth se trouvait à
Mexico, où il s'était rendu quand le gouvernement des
Etats-Unis avait envoyé des troupes à Santa Cruz. Entre
temps, il avait acquis de l'expérience en tant que correspondant
et reporter pour le journal "Providence" et il avait publié
un livre, "Le journal de bord d'un prétendu correspondant
de guerre", dans lequel il décrit ses expériences
et observations lors de la guerre des Balkans, en automne 1912, qui
l'a fasciné. De retour chez lui, il repartit pour l'Angleterre
en octobre 1914, sans intention de s'engager dans la guerre, mais avec
le désir de devenir un observateur, espérant pouvoir écrire
quelque chose sur le Grand Conflit qui en vaille la peine. A Paris et
Londres, l'air était plein de projets militaires, et il fut tenté
par plusieurs choix. Finalement, après une période d'hésitation
et d'incertitude, il intégra la Légion Etrangère
au début du mois de janvier.
Nous pouvons suivre ses aventures durant les neufs mois qui suivent
grace aux "Letters of Henry Weston Farnsworth from the Foreign
Legion" lettres envoyées aux membres de sa famille, qui
furent ensuite publiées par son père, William Farnsworth.
Il ne se faisait aucune illusion sur les Allemands : "Fous de jalousie";
il écrit : "c'est ce qui me choque. Ils ne supportent pas
l'expression "English Channel"(La Manche)".
Et son admiration envers les "Gaulois" était profonde:"Rien",
dit-il, "n'est trop fort pour exprimer le courage discret du peuple
Français".
Farnsworth, qui, comme nous l'avons vu,
avait un gout prononcé pour les personnages hors du commun, a
trouvé en ces compagnons de la Légion, des cas très
intéressants. Le 9 janvier 1915, il écrit :
"Au premier abord, il n'y a rien de
rude. Beaucoup de ces hommes sont instruits, et ceux qui le sont moins
sont des travailleurs forcenés. Dans mon dortoir, par exemple,
il y a "Le Petit Père" Ulhin, un viel alsacien, qui
a déjà servi 14 ans à la Légion, en Chine
et au Maroc. Le Caporal Lebrun, un socialiste bien connu chez lui; Engler,
un négociant en coton suisse du Havre. Donald Campbell, journaliste
et écrivain d'histoires courtes, qui ne servira pas l'armée
anglaise parce que sa famille quitta l'Angleterre en 1745, à
l'exception de son père, qui fut Capitaine aux Royal Irish Fusileers
(Fusiliers Irlandais);
Sukuna, étudiant fidjien à Oxford, noir comme l'encre.
C'est l'une des personnalités les plus intéressantes de
la Légion Etrangère: S.L.V. Sukuna est un Prince des îles
Fidjis. Son père est le roi d'une des grandes îles et son
grand père maternel, le Roi Thakombau, fut le dernier souverain
des îles, qu'il céda en 1874 à la Couronne Britanique;
Hath, un Danois, de plus d'1m80, que Campbell appelle à juste
titre "La Bête Blonde" en référence au
"Zarathoustra" de Nietzsche;
Von quelque chose, un autre Danois, très petit et jeune;
Bastados, un charpentier suisse, né et élevé dans
les Alpes, qui chante (après avoir bu le vin de la cantine) bien
mieux que toutes les stars d'Opéra comique, et qui fait de temps
en temps la "ranz des vaches", ce qui arrive même à
faire applaudir le Père Ulhin; le brigadier Mussorgsky, cousin
descendant du compositeur;
un petit russe;
deux ou trois juifs Polonais, sans parler des Belges, Grecs, Roumains,
etc. . . J'ai déjà ce qu'il faut pour en écrire
un article (10000 mots), et d'içi la fin de la campagne, je pourrai
en écrire un livre vraiment intéressant.
Plus il s'imprégnait de cette nouvelle
vie, plus Farnsworth la trouvait pittoresque et fascinante. Il aimait
les hommes et l'état d'esprit qui régnait dans la Légion
:
"Je suis désormais tout à
fait chez moi, et bien ami avec tout le monde dans la Compagnie, même
avec un Belge que l'on m'avait forcé à laver entièrement.
Les deux chants militaires "Car nous sommes tous des frères"
et le vieux, le meilleur chant militaire du monde :
Soldat de la Légion
La Légion Etrangère
N'ayant pas de patrie
La France est notre mère
sont au fond très réalistes, du
moins à la 15e Compagnie".
Avec le temps, le régiment de Farnsworth
fut envoyé au front dans le Nord de la France, et début
mars il écrivait des tranchées. Le secteur était
calme, et il se passait peu d'évènements importants, à
part un bombardement de temps en temps, ou quelque fusillades. Il était
souvent en patrouille de nuit, dans le "no man's land":
"Il y a une certaine fascination là-dedans,
aussi ennuyeux que celà puisse paraitre. La patrouille est sélectionnée
dans l'après-midi. Au crépuscule nous nous réunissons
afin d'élaborer un plan et de donner à chaque hommes ses
consignes; puis, à la nuit, nos poches sont remplies de cartouches,
baionnette à la ceinture, et nos chargeurs à bloc. Nous
suivons le boyau jusqu'au petit poste, d'où nous décidons
de partir. Le long de notre chemin, les sentinelles nous souhaitent
bonne chance, et un retour sauf. Au petit poste, nous fixons nos baionnettes,
mouchons nos nez, dégageons nos gorges, et nous préparons
pour trois heures de silence profond. Sur une parole du chef, nous formons
une ligne en ordre déterminé. Les sentinelles nous souhaitent
bonne chance pour la dernière fois, et le chef saute sur le bord
de la tranchée et commence à se frayer un chemin au travers
des barbelés. Une fois dehors, il disparait dans les hautes herbes
et l'un après l'autre, nous le suivons. Puis nous rampons jusqu'au
lieu prévu. Nous avançons lentement et faisons halte souvent. Chaque
bruit est analysé. A l'occasion d'une soit-disant embuscade, je
reconnais m'être endormi après avoir passé un moment
allongé dans un champs de trèfles. L'adjudant en personne
me réveilla d'un léger sifflement, mais comme il me désigna
encore la nuit suivante, il ne me semble pas qu'il ait trouvé
la chose si grave. Puis , aussi, une fois rentrés au camp, nous ne
devons pas monter la garde toute la nuit, et pouvons dormir un peu le
matin, et nous tenons de brèves mais agréables conversations
sur l'affaire, et l'espoir qu'une nuit, nous nous retrouvions face aux
Allemands. "
Lors de l'une de ces expéditions
de nuit, Farnsworth et ses compagnons réussirent à coller
des journaux français annonçant la déclaration
de guerre italienne sur les barbelés face aux tranchées
allemandes. Satisfait de leur entreprise, leur capitaine donna à
sept d'entre eux vingt françs pour faire la fête. "Quel
diner inoubliable!" lança le jeune légionnaire.
"Il y avait le sergent, Zampanedes,
un Grec typique, qui avait gagné ses éperons à
Zanina et ses galons lors de la campagne Bulgare. Depuis, il avait été
étudiant en médecine à Paris;celà pour faire
plaisir à sa famille, car son coeur est ailleurs, et il étudie
la musique et dessine dans ses temps de loisirs. . . Nous nous sommes
trouvés des sympathies pour la première fois au sujet
de l'Acropolis, et avons lié une réelle amitié
lors de chants de guerre turcs et byzantins, qu'il chante d'une façon
funèbre et romantique comme jamais je ne l'ai entendu. Puis,
il y avait Nicolet, le clairon de la compagnie, qui engageait dans sa
douzième année de Légion, un petit homme suisse
incroyable, plus résistant que les tambours avant et arrière,
et aussi sage que Nestor pour ce qui est des ruses futiles du Régiment.
Le Caporal Mortens, un légionnaire blessé durant l'hiver
et cité à l'Ordre de l'Armée pour sa bravoure.
Il était, dans son duché natif de Luxembourg, représentant
commercial, mais décida il y a 5 ans d'abandonner derrière
lui ses dettes et ennuis, et de devenir un "Petit Zephir"
de la Légion Etrangère. Sudic, un boucher originaire du
même Grand Duché, un homme d'acier moralement et physiquement,
mais de peu d'importance mentallement. Covaliero, un Grec de Smyrne,
qui aurait pu étendre soies et dentelles aux pieds d'une princesse
féodale et la séduire de ses yeux brillants et grands
gestes, la forçant ainsi à acheter au delà de ses
moyens. On l'a aussi dénoncé pour sa galanterie imprudente.
Sukuna et moi-même réalisames le menu. Nous étions
tous d'une humeur gaie, et, comme j'en avais les moyens, j'y ajoutais
10 francs, Sukuna fit de même. Certains d'entre nous burent à
plus soif, et nous mangeames une salade géante sous les étoiles.
Nicolet et Mortens parlèrent de leur bataillon au Sahara, et
Zampanedes chanta ses chansons de l'est, et même Sukuna nous émut
par ses chants des Tonga. Tel Enée sur l'île de Polyphème,
j'ai l'impression que d'içi quelques années, en désaccord
total avec mon entourage, je repenserai avec nostalgie à ces
longues journées chaudes d'été passées dans
le nord de la France, lorsque nous dormions comme des oiseaux à
la belle étoile, parmi des amis sympathiques, lorsque personne
ne se souciait du lendemain, et qu'à chaque conversation nous
changions d'horizon"
La lettre dont on vient de lire un extrait
fut écrite par Farnsworth à sa mère le 4 juin 1915. Un
mois plus tard, il reçut de chez lui la nouvelle que l'un de ses
amis devait se rendre à un camp d'entrainement aux Etats-Unis, où
il devait marcher 5 à 6 miles par jour, ce qui l'incita à
donner cette image forte d'un épisode de la vie des légionnaires:
"L'autre jour on nous réveilla
à deux heures du matin, et on nous envoya à trois heures
sous la pluie battante vers un endroit mal défini de l'autre
coté des montagnes, pour une revue de notre division. Nous partimes
lentement dans l'obscurité humide, à l'aube, le soleil
se leva, et, comme d'ordinaire dans la Légion, tout le monde s'en
réconforta, et à sept heures nous arrivames au terrain
de la revue après avoir parcouru 15 kilomètres dans la
bonne humeur. Deux régiments de Zouaves venus d'Afrique était
rangés. Nous nous plaçames en formation à leurs
cotés, puis arrivèrent les régiments de Tirailleurs, avec
leurs couleurs, puis le Deuxième Etranger, fort de 2000 hommes, et
enfin un escadron de Chasseurs d'Afrique. Nous déposament nos
armes et nous couchames dans l'herbe jusqu'à 8h30. Soudain les
clairons des Zouaves sonnèrent le "Garde à Vous"
dans un grand fracas et en deux minutes la division fut alignée, chaque
homme aussi raide qu'un piquet, et pendant tout ce temps, les clairons
sonnant avec force du haut de la ligne, et les petites trompettes stacatto
des chasseurs répondant de l'autre extrémité. La
sonnerie s'arrêta soudain, et les voix des colonels hurlant "baionnettes
aux canons" parurent faibles et noyés dans le bruit des
baionnettes;Un moment de silence profond, puis le bruit lent et court
du "Général!Général! Qui Passe!"
interrompu par le claquement occasionnel, lorsque chaque régiment
à leur tour présentait les armes. Lentement le Général
passa en revue les lignes, à cheval, deux Généraux
de Brigade et un de Division à sa suite. Puis ce fut le défilé. Les
Zouaves prirent la tête, leurs clairons jouant "As-tu vu la
casquette, la casquette";Puis suivirent les Tirailleurs, jouant l'une
de leurs marches militaires, lentement, les clairons donnant la réplique
aux pipeaux arabes comme s'ils avaient été menés
par Loeffler. Puis la Légion, le Deuxième Etranger venant
renforcer nos rangs, et tous les clairons lançant la marche militaire
de la Légion "Tiens, voilà du boudin, etc. . . ". Les
clairons jouèrent encore et encore cet air léger et argotique, dont
certains vers feraient frissoner Rabelais, et dont certaines petites
variations rappellent l'image de la Légion, marchant en rang serrés
dans des contrées étrangères en feu, et où
les tambours rappellent les pas du régiment traversant des déserts
de sable. C'était un spectacle très glorieux, et pour finir, les
Chasseurs se mirent au galop, rejoignant leurs quartiers. Pour cloturer
la journée, le Colonel nous reconduisit directement chez nous, par
dessus la montagne, 14 kilomètres de pistes à chamois. (p. s:ce
qui fait à peu près 18 miles aller-retour) Lorsque nous
fimes de retour à 15h30, n'ayant rien mangé d'autre q'un
petit morceau de pain, trois sardines et un peu de fromage, peu d'hommes
étaient vraiment épuisés. C'est à ce moment
là que j'ai reçu ta lettre au sujet des camps d'entrainement. "
(cette description correspond très
certainement au passage en revue effectué par Lyautey, le 28
juillet 1915)
Au mois d'aout, le Régiment d'Henry Farnsworth se trouve en Alsace
et dans les Vosges. Des excursions régimentaires se déroulent
au Ballon d'Alsace (le 18 aout) et au Ballon de Servance (le 19 aout).
Au sommet, ont lieu des prises d'armes et remises de décorations.
En septembre, Henry Farnsworth va prendre part à la sanglante
bataille de Champagne.
Sa dernière lettre sera datée du 16 septembre 1915.
Henry Farnsworth est tué lors de l'attaque lancée par
son bataillon le mardi 28 septembre 1915. Dans l'après-midi partant
à l'assaut des blockhaus allemands du Bois Sabot, il est atteint
à la gorge et à la colonne vertébrale par balles
de mitrailleuses.
Son camarade fidjien Sukuna tire son corps dans une petite tranchée
et ne peut constater que le décés de son ami. Il jure
de le venger, et s'avance vers les positions ennemies. Il s'écroule,
blessé, la cuisse déchiquetée.
D'autres légionnaires tombent à leurs tours: Samuel Gache
de Buenos Aires, diplomé de l'université d'Edimbourg,
engagé le 1 juillet 1915 à la légion, arrivé
au front juste avant l'attaque.
Raphael de Carvalho, fils du fameux écrivain portugais, tué
sur les barbelés du Bois Sabot. Ce 28 septembre marquera à
jamais, Blaise Cendrars,l'auteur de "la Main Coupée".
Au nord des ruines de la Ferme de Navarin, il sera blessé, puis
évacué par l'infirmerie de la "Place de l'Opéra",
où s'élève actuellement le Cimetière de
l'Opéra.
Un décret du 1 octobre 1918 accordera
à titre posthume, la Médaille Militaire à Henry
Farnsworth.
A l'université d'Harvard, une grande
bibliothèque meublée, porte le nom d'Henry Farnsworth.
Elle fut réalisée par Mr et Mme Farnsworth, en mémoire
de leur fils. Elle est mise à disposition des étudiants,
et contient des ouvrages sur la littérature et la poésie
comme ceux qu'aimait lire Henry Farnsworth.
En 1931, dans le cadre du Centenaire de la Légion Etrangère
fut imprimé le Livre d'Or de la Légion Etrangère.
La première souscription pour un exemplaire imprimé sur
papier japon arriva des Etats-Unis: elle était adressée
par Mme Loomis, soeur du légionnaire Farnsworth.

Monument élevé aux volontaires américains tombés
au champ d'honneur. Place des Etats-Unis.Paris. Le nom d'Henry Farnsworth
est gravé sur ce monument.
(Photographie collection privée. Droits réservés)
LES CIMETIÈRES MILITAIRES DE SOUAIN-PERTHES
LES HURLUS
La commune de Souain-Perthes Les Hurlus
regroupent cinq autres cimetières
militaires:
-L'ossuaire Français
de la Ferme de Navarin. (Monument aux Morts des Armées de
Champagne, dédié aux Divisions Françaises, Américaines, Régiment
Polonais, Brigades Russes, Brigade Tchécoslovaque qui participèrent
aux opérations sur le front de Champagne. Dans la crypte, repose
le Général Gouraud ainsi que le Général
Prételat) |
|
-Le cimetière Français
de l'Opéra. |
|
|
-Le cimetière Français
de la Ferme des Wacques. (Monument aux Morts de la 28ième
Brigade érigé par l'aumonier Paul Doncoeur) |
|
-Le cimetière Français
de la Crouée. |
|
|
-Le cimetière Allemand. (situé
au bout du cimetière de la Crouée;Il y repose le corps
du célèbre peintre allemand August Macke) |
|
La commune de Souain est située en
bordure du camp militaire de Suippes qui est implanté sur les
ruines de cinq villages entièrement détruits durant la
Grande Guerre: Le Mesnil les Hurlus, Perthes les Hurlus, Ripont, Hurlus, Tahure.
Afin de perpétuer le souvenir de
ces villages disparus, les noms des communes de Perthes et des Hurlus, sont
rattachés à celui de Souain, le 16 Juin 1950.
SEPTEMBRE 1915: Combats de la Butte de Souain
et de la Ferme de Navarin.
La bataille de Champagne va réclamer
le concours de la Division Marocaine et le 15 septembre, sa 1ère
Brigade se trouve sous les ordres du Général Marchand,
le héros de Fachoda, qui commande la 10ème Division Coloniale.
La 1ère Brigade de la Division Marocaine
regroupe notamment:
- Le 2ème Régiment de Marche
du 1RE (formé le 1 septembre 1914, fait partie de la Brigade
du Colonel Delavau, rejoignant la célèbre Division Marocaine,
le 21 septembre 1914. Celle çi est commandée en septembre
1915 par le Général
Codet.)
Le Lieutenant-Colonel Cot sera le Chef de Corps du Régiment du
5 mars 1915 au 11 novembre 1915.
- Le 2ème Régiment de Marche du 2RE.
- Le Régiment de Marche du 4ème Tirailleurs Algériens.
Le 22 septembre 1915 débute un pilonnage
intense sur les lignes allemandes: il va durer trois jours.
L'attaque de l'infanterie se déclenche le samedi 25 septembre
sous une pluie diluvienne.
Du 24 au 28 septembre, il pleut sans discontinuer, empéchant
le travail de l'aviation et rendant la progression très pénible
dans la craie champenoise. Les Français progressent sans trop
de difficultés dans les premières lignes ennemies, avançant
de 3 à 4 Kms. Mais les Allemands ont aménagé à
contre pente,une seconde position de défense, la Reserve Stellung,constituée
de réseaux de barbelés, mitrailleuses, redoutes, etc...
Malheuresement, la préparation d'artillerie française
n'a pas endommagé la Reserve Stellung.
Le 2ème de Marche du 1er Régiment Etranger ne prend part
à la lutte qu'à partir du 28 septembre.
La Ferme de Navarin, objectif qui lui a été fixé,
parait imprenable: les réseaux de barbelés sont intacts,
les nids de mitrailleuses ne sont pas détruits.
Plusieurs fois, dans ses attaques désespérées,
les bataillons se ruent à l'assaut:malgré des pertes très
élevées, la Légion ne faiblit pas et ne recule
pas.
Les Commandants Declève et Burel tombent devant les tranchées
allemandes.
Deux divisions du Corps d'Armée voisin,
ont réussie à percer la ligne ennemie à l'ouest
de la Ferme de Navarin, encerclant ainsi les positions allemandes et
faisant tomber la Butte de Souain. Au cours de cette offensive, les
II° et IV° Armées ont fait 25.000 prisonniers dont 350
officiers, et pris près de 150 canons.
Suite aux combats des sanglantes journées
de la Bataille de Champagne, le 2° Régiment de Marche du
1° Etranger est dissous.
Il entrera le 11 novembre 1915 dans la composition du Régiment
de Marche de la Légion Etrangère (RMLE) avec le 2°
Régiment de Marche du 2° Etranger. La IV° Armée
lui décerne une citation pour son héroisme, le 30 janvier
1916, pour l'assaut de la Ferme de Navarin. Le drapeau du 2° Régiment
de Marche du 1° Etranger deviendra l'emblème du Régiment
de Marche de la Légion Etrangère.
Réaliser avec la collaboration de
M° Martin Jean et de son épouse Annie. Remerciement à
l'Adjudant Emilio Condado Madera, conservateur du Musée de la
Légion Etrangère, Aubagne.