LE 7°Escadron du 1°REC à TOURANE
à l'automne 1951

                   
 

"Grace aux photographies de la collection personnelle du Cne Dorot, aimablement prétée par la famille, nous pouvons un peu plus de 50 ans en arrière, visiter ce poste sorti de terre et assister à quelques scènes de la vie quotidienne des légionnaires"

La création officielle de ce nouvel escadron de la Portion Centrale du 1°REC date du 27 juillet 1951.
Avant cette date, le 1°Régiment Etranger de Cavalerie est représenté en Centre-Vietnam (Centre-Annam) par 1 EHR et les 3°, 4° et 5°Escadrons, équipés de matériels divers (Scout-Car, Half Track, AMM8 et obusiers).
Le Commandement et les Officiers de l'Etat-Major du Secteur Autonome de Tourane proviennent également du Régiment.

Cette ville sur les bords de la mer de Chine a une importance de premier ordre. Elle est la base des TFCV (Force Terrestre en Centre Vietnam) et du Laos et c'est par son port que tout le personnel et le matériel arrivent. C'est également une grande base Marine pour les navires chargés de la surveillance des Cotes d'Annam. Tourane est aussi une des Bases Aériennes des plus importantes d'Indochine.
Depuis son port sont acheminés, par la RF1 (dénommée aussi RC 1 ou route Mandarine) et la voie ferrée, les personnels et la logistique destinés aux Secteurs plus au Nord, et à partir de Dong Ha vers le Laos par la RC9.
Au Nord de la baie se trouve le célèbre Col des Nuages (Hai Van actuellement) un poin t de passage obligé de la route et du rail, et aprement dusputé. Tourane est "le poumon du Centre-Vietnam".

Autre caractéristique importante du Secteur de Tourane est qu'il soit en contact direct au Sud avec la "zone dissidente du Lien Khu V", zone qui s'étend jusqu'à Nha Trang et qui restera incontrolée durant toute la guerre jusqu'à l'opération Atlante de 1954.

L'emploi de vedette blindée (8 et 11m) à l'EHR et au 3° et 4° Escadron avait "mis en évidence les possibilités offertes par les côtes, les dunes et les fleuves du Centre-Annam aux actions amphibies " (CES H. Ivanoff).

C'est donc à Tourane que s'implante le nouvel escadron aux ordres du Cne Dorot.

C'est en bordure de la voie ferrée Tourane Gare Centrale / Tourane Marché (en réalité le port) sur laquelle passe de temps en temps un train de marchandise, que s'installe, dans un terrain rectangulaire en friche et nu de toute construction, le nouvel escaron, à l'Est de la ville.

Ce terrain est limité de l'autre coté par une petite lagune* qui servira un peu plus tard aux essais du matériel à venir ( et la raison d'être de l'Escadron) , le "crabe".
Tout est à faire.
Une clôture en pieux et dressée et minée. L'entrée principale, côté voie ferré, est matérialisée par deux piliers de briques surmontés d'ornements asiatiques. Ces pilliers recevront, l'un, l'insigne de l'Escadron, et l'autre, celui du Régiment. Une autre entrée, plus discrète, est aménagée avec accès direct à la lagune. C'est par là que les pilotes iront bientôt baigner leurs nouvelles montures. Il faut ensuite défricher en prenant bien soin de maintenir sur pied les maigres arbres, faire les fouilles pour les premières "guitounes". La première sera "prêtée" et montée sous le regard admiratif (?) d'un panel de curieux. Bientôt, elles sont presque une quinzaine en bordure de la VF alignées comme il se doit, et comme il se doit, à l'ombre du mat des couleurs, dressé face à l'entrée au beau milieu du terrain, dans un cercle nettoyé. Comme il se doit, , une (grande) flamme Legion rapelle au visiteur, s'il a encore un doute, où il met les pieds.

Dès le poste de police franchis (une tente à gauche qui sera rapidement remplacée par une paillote) , une allée à droite perpendiculaire à l'allée principale, sépare les deux lignes des tentes des pelotons. Plein Nord, la vue est remarquable sur les collines bleutés de la Presqu'Ile de Tourane, dont le sommet atteint quand même les 614m. Seule la tour de guet du terrain voisin gêne un peu. . . pour les photos !!!

Se montrent ensuite, en bordure Sud, les seules constructions en "dur" - briques de terre séchée confectionnée sur place par les ouvriers locaux : les feuillés (ce qui répond à la célèbre question: " dans quoi creuse t-on les feuillés ?) et plus loin, la cuisine. Celle-ci comprendra au moins quatre majestueux postes de cuisson qui seront alimentés par les morceaux de bois ramenés des environs immédiats par camions, et alignés avec le plus grand soin.
Déjà les pilotes des crabes s'entrainent sur la piste bordée d'arbres, qui parallèle à la voie ferrée, longe le quartier à l'Est. D'autres engins circulent: des jeeps, des vélos et . . . la moto du Capitaine.

Les allées, qui desservent les "logements" sont maintenant balayées et bordées de pierres blanchies à la chaux. On peut voir sur certaines tentes (chef de peloton ? ) de beaux panneaux aux couleurs réglementaires, décorée de flammes et où le nom du chef est arboré avec fierté, en trompe l'oeil, ou en arabesque du plus bel effet.

Cest dans la zone gauche, en avant de la cuisine encore en construction, que sont montées les "locaux" communs. En attendant, la roulante réglementaire, protégée par un toit de tôle soutenu par de gros bambous, fera tant bien que mal l'affaire. Le "chef" un peu grassouillet, se fait aider de "locaux", qui s'occupent, notamment, des corvées pour éplucher avec un art certain les fruits achetés au marché.
Le sable de la tente réfectoire simplifiera grandement le nettoyage. Mais les pavés de la popote des Sous-Officiers devront être au moins balayés.
Une tente foyer est animée par un jeune Maréchal des Logis qui, même devant son Capitaine, maintient fermée sa boutique. Le réglement, c'est le réglement, il est affiché, comme les tarifs des quelques produits proposés. Seuls les contenants cylindriques en verre sont identifiables du premier coup d'oeil (averti) . Les caisses recouvertes de toiles font office de bancs, là aussi des pavés posés sur le sable indiquent au visiteur, la prétention et le sérieux du modeste établissement, dont l'importance est primordiale et reconnue de tous.

Petit à petit, les pailottes-logements seront construitent dans le secteur Sud. Piliers de béton, armatures et charpentes en bambou, cloisons tressées par les "locaux" , et toit de chaume. Elles s'alignent devant de maigres parterre de fleurs volontaires et quelques arbustes plus hésitants (que les punis devront sans doute parfois arroser à l'heure de la sieste comme le veux la tradition).

Un chateau d'eau carré, d'une belle hauteur, en béton peint en blanc est sorti de terre pas loin du mat des couleurs. Il est alimenté par un puit et l'eau est montée par une pompe à main.
Au fur et à mesure que les paillotes se montent, les tentes se démontent et leur ancien emplacements remis en état.

Parfois une Prise d'Armes vient pertuber le bon déroulement des constructions. Tous les "crabes" et leurs équipages se retrouvent à l'ombre, alignés talons et chenilles sur les rails de la voie ferrée qui longe le port.
Les légionnaires Vietnamiens en béret et ceinture de tradition semblent bien petits à coté des grands gaillards en képi blanc. Deux grands, deux petits pour chaque engin. Un défilé de l'escadron cloturera la cérémonie.
Le Capitaine, bras croisés, et menton haut dans son "crabe" ouvre la marche, malheureusement sous la pluie cette fois là. Pas d'arrosage aujourd'hui. . . De retour au poste , et si le soleil le permet, les "boys" feront la lessive au bord de la lagune, sur les emplacements aménagés, pour tenir prêtres les tenues. . . pour la prochaine.
Un nouveau complexe de tente est crée dans la zone N-O du poste. Cloturé, il abrite une paillote et quelques tentes. Peut être le peloton de commandement. . .

Mais alors que les crabes font leurs premières brasses dans la lagune, sous le regard attentif du Capitaine qui ne manquera pas d'aller faire quelques longueurs, d'autres engins arrivent à l'Escadron : les LVT Alligators.

Comme pour les petits "crabes" ils seront parqués à l'abris sous des toits des garages mais de taille proportionnelles. Simples piliers de béton supportant des plaques de tole ondulée, pour les uns, armature à la Eifffel pour les autres.
Les engins y sont allignés serrés et semblent fort impressionner les visiteurs étoilés.
L'effet sera le même sur les Viets.

La pluie transforme parfois une partie du poste en marécage. Heureusement, la prévoyance ou l'intuition permettront de limiter les dégats et aucun batiment ne se retrouvera les pieds dans l'eau.
Bientot, les exercices en grandeur réelle vont permettre, chacun à son niveau d'appprécier, les remarquables capacités de franchissement des engins. Les dunes ne manquent pas, les grands espaces non plus.
Equipages au complet, bérets avec l'insigne de l'Escadron et en avant, en colonne, en bataille.
Les engins, cabrés comme à Saumur, franchissent fossés, talus et diguettes.
A défaut de tirer, pour le moment, les armes de bord servent de poignées aidant tant bien que mal, les cavaliers à se maintenir en équilibre.
Les mortiers sont mis en batterie à terre.
Le Capitaine, torse nu ( à part la paire de jumelle réglementaire) dirige du haut de son "crabe" la manoeuvre.

Bientot les combats. . . ceci est une autre histoire.

* Actuellement il ne reste de cette lagune que la partie Sud, celle qui bordait le quartier, l'extrémité Nord, bordée par la Baie de Tourane est maintenant en partie urbanisée.

- Parmi les unités du Secteur de Tourane, on trouve vers 1951-1952:

1 bataillon de Legion : IV/2°REI.
1 bataillon (d'infanterie) du Groupe d'Artillerie Colonial de Montagne du Levant.
1 bataillon vietnamien (pplus tard 2)
1 Cie de Commandos Supplétifs : 510° (Cod Le Lai) rattachée au REC et stationnée aux Montagnes de Marbres au Sud de Tourane. Unité en intervention du Secteur.
9 Cie de Supplétifs Militaires réparties au IV/ 2°REI, GACML** et REC (511°CSM)
3 Pelotons Blindés du REC fournis par chacun des escadrons (3°, 4°, 5°Esc) renforcés par la Cie de Supplétifs Militaires qui fournit les soutiens portés des pelotons. (511°CSM).
La Marine Fluviale est représentée par une section d'engins d'assaut (1 LCM et 2 LCA)

La bataillon IV/2°REI est stationné dans le Sous Secteur Sud, PC à Quant-à-moi. Son chef est en même temps Commandant du S. S. S. , il tient les quartiers de Quant-à-moi, et d'Ai-Nghia avec sa CCCB et une Cie.
Il a également un détachement d'une section (en fait le Peloton d'élèves gradés) à Fai Foo.
Ses 3 autres Cies de FV sont en intervention et normalement basées à Ngu-Giap, Ai-Nghai et Tourane.
Les Pelotons Blindés sont en intervention à la disposition directe du Commandement du Secteur. I
ls sont utilisés pour les reconnaissances sur les axes en vue de protéger les convo
is, pour les liaisons, comme éléments réservés d'intervention sur un axe à l'occasion de convois ou de transports de troupes (Ref, document du Secteur de Tourane).

** Groupe d'Artillerie Coloniale de Montagne du Levant, alors unité à pied.

Texte de M°François PELISSIER.

 

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